Avec l'album "Morning View", Incubus s'est envolé vers un univers musical plus mélodique et spirituel. Si les délires de l'époque "S.C.I.E.N.C.E" restent en mémoire des plus nostalgiques, le groupe californien s'affirme aujourd'hui comme l'un des leaders d'une scène rocks aux vibes résolument positives et chaleureuses, à des kilomètres de la fureur et du nihilsime rap metal. Rock Mag a rencontré le guitariste/compositeur Mike Einziger dans les coulisses du Zénith, quelques heures avant l'un des premiers concerts marquants de cette année 2002.
Rock Mag : Mike, ce concert au Zénith est le plus important donné par Incubus jusqu'à présent à Paris. Heureux ? Mike Einziger : On est tous super contents. Nous avions ouvert ici pour Korn en 1997 et c'était le plus gran concert auquel nous avions participé jusqu'alors. Je m'en rappelle très bien. C'était véritablement énorme pour nous à l'époque. Du coup, c'est vraiment cool de mesurer le chemin parcouru au cours des 5 dernières années. On a travaillé dur et ce qui nous arrive aujourd'hui est très gratifiant.
Justement. Comment jugerais-tu la progression d'Incubus ces 5 dernières années ?
Nous avons toujours avancé très lentement. Mais depuis deux ans, les choses s'accélèrent à une vitesse folle. "Make Yourself" s'est vendu à 2 millions d'exemplaires, mais sur la durée. Nous avons vendu 25 000 albums par semaine, pendant deux ans ! C'est sûrment dû au fait que notre musique n'est pas immédiate, contrairement à celle d'autres groupes. Nous n'avons pas de tubes comme le "Nookie" de Limp Bizkit, par exemple. Il faut du temps pour s'habituer à Incubus. "Morning View" n'est pas le genre de disque qu'on écoute une fois et bang, on connait toutes les chansons par coeur. Tu le laisses un peu de côté, tu l'écoutes une fois de temps en temps, et il commence à grandir en toi. Concernant les concerts, c'est un peu pareil. On tourne en Europe depuis 5 ans, et à Paris, on a joué un peu partout : La Boule Noire, l'Elysée Montmartre, le Bataclan...A chaque fois on gravit un échelon supplémentaire et tous nos concerts sont sold-out.
Musicalement, la progression est évidente. "Morning View" n'a plus rien à voir avec vos premiers LP's...
Incubus est le seul groupe dans lequel j'ai jamais joué. J'en fais partie depuis l'âge de 16 ans, comme les autres. Tout ce qu'on a écrit est sur disque. Quand tu écoutes les premiers disques, c'est facile de reconnaître nos influences : Faith No More, Mr Bungle, Primus, les Red Hot Chili Peppers. On était des kids qui voulaient d'amuser. Mais petit à petit, on s'est mis à rechercher ceq ui nous rendait unique. C'est à partir de "Make Yourself" qu'on s'est vraiment concentrés sur notre songwriting et sur ce qui fait l'identité d'Incubus. Je sais qu'on peut jouer de la musqie vraiment heavy, du funk et pleins de styles différents. Mais on ne veut pas sonner comme un autre groupe. On s'est aperçus que notre chanteur est vraiment très très bon, ce qui est de moins en moins fréquent dans le rock, et je considère aujourd'hui que mon rôle de guitariste et de compositeur est de lui apporter une plate-forme pour sa voix. Brandon a de brillantes idées et il écrit des textes intelligents d'après moi. On s'est donc concentrés sur les forces du groupe, plutôt que d'essayer de frimer avec notre technique.
Tu comprends quand même que certains fans de la première heure soient déçus de cette évolution plus mélodique?
Bien sûr, mais c'est un rique à prendre. Si tu fais de la musique en réfléchissant à ce que les autres vont en penser, c'est sans intérêt. Ca a l'air égoïste, mais quand on écrit de la musique, on ne pense qu'à nous mêmes, peu importe la réaction future des fans. Enregistrer "Make Yourself" nous a montré qu'en suivant notre vision jusqu'au bout, certains seraient désappointés par le changement. Mais c'est ce que nous voulions faire. Pareil pour "Morning View".
"Morning View" a un côté spirituel et profond, c'est même surprenant de la part d'un si jeune groupe. Quel âge as-tu au fait ?
J'ai 25 ans ! Tu sais, je crois que chacun dans ce groupe écoute de la très bonne musique et je pense que tous ensemble, on essaie de faire des disques qui poussent les gens à réfléchir. On veut les provoquer, même si c'est parfois difficile de nous suivre. En fait, on ne sera jamais aussi gros que Limp Bizkit. Je pense qu'il y a quelque chose dans notre musique qui nous empêchera toujours d'avoir autant de succès qu'eux. Elle n'est pas vraiment complexes d'un point de vue technique, mais elle l'est sûrement d'un point de vue émotionnel. On n'écoute pas Incubus dans une soirée où tout le monde picole !
Dans plusieurs interviews récentes, tu t'es montré très critique envers la scène rap metal. Pourtant au départ, Incubus y était complètement associé...
Au début, il y avait de très bons groupes comme Korn, Rage Against The Machine, les Deftones, ou 311 qui faisaient vraiment quelque chose de vraiment original et unique. Mais des tas d'autres groupes sont apparus et les ont copiés. Ils font ce qu'ils veulent, je n'ai pas à dire aux gens quoi faire ou quoi écouter. Mais j'ai l'impression que beaucoup de disques rock récents sont très peu intelligents, comme si'ils étaient juste là pour nourrir l'égo masculin. L'histoire a pourtant prouvé que ce type d'attitude ne rendait pas le monde meilleur.
Quels nouveaux groupes écoutes-tu en ce moment ? P.O.D ?
J'aime bien P.O.D. On a beaucoup tourné avec eux et ce sont de bons potes. C'est l'exemple type d'un groupe qui joue une fusion de rap et de metal, mais le chanteur Sonny, il réfléchit avant de parler. La plupart frs groupes que j'aime n'ont de toutes façons pas beaucoup de succès. J'écoute The (International) Noise Conspiracy, vraiment cool et intelligent. J'aime les Islandais de Sigur Ròs, et aussi Coldplay, Starsailor, Badly Drawn Boy. Peut être que certains de ces groupes exploseront plus tard. Pas parce qu'ils changeront leur style pour être plus populaires. Mais peut-être parce que ce qu'on appelle "musique populaire" évoluera dans le bon sens à l'avenir. Enfin j'éspère.