Nous voilà à New York où Incubus a donné rendez-vous à la presse mondiale pour parler de "Morning View", son (très bon) dernier album. Le quintet californien, malgré les interviews qui se succèdent à un rythme effréné, nous accueille pourtant à bras ouverts ; c'est qu'entre l'Hexagone et les Yankees, c'est un peu une histoire d'amour...
Le charismatique Brandon et ses acolytes DJ Kilmore et José Passillas sont tranquillement installés dans une des plus belles suites du Tribeca Grand Hotel au sud de Manhattan, deux jours avant les événements que l'on sait. Alors que nous prenons place, les trois se montrent très chaleureux, Brandon nous propose au moins quatre fois de goûter ses fristes. C'est là toute la simplicité et la bonhomie d'un groupe qui deux jours avant foulait le tapis rouge des MTV Video Music Awards. C'est parti, nous avons seulement droit à trente minutes avec eux, Bryan, le chef du marketing international d'Epic, ne reculant devant rien pour ne pas prendre de retard dans le planning de ses protégés. Ceci ne nous empêchera pas de grignoter dix minutes de plus, histoire de profiter un peu plus du sens aigu de le métaphore de Brandon et de la décontraction ambiante.
Vous avez assisté hier à la cérémonie des MTV Video Music Awards, vos impressions ? DJ Kilmore : On est montés dans une limousine jusqu'à l'endroit où se trouvait un tapis rouge et tout le monde nous prenait en photo. Mais quand on est sorti de la limousine, personne n'a plus voulu prendre de photos de nous. Ils ne savaient pas qui on était! C'était cool et vraiment drôle. Il y avait Macy Gray, Craig David, Britney Spears, Kid Rock, Pamela Anderson autour de nous. Comparés à ces superstars, on n'était rien.
Jose Pasillas : Mais c'est bien de ne pas faire partie de ce grand cirque. En même temps, ça nous a remis à notre niveau de petit groupe. Puis on est rentré dans la salle de spectacle.
Brandon Boyd : Il y avait deux ou trois trucs sympas, le reste était de la merde. Mais ça nous a donné l'occasion de voir Outkast et Moby avec qui on a tourné. Eve, Gwen Stefani aussi...
DJ : On a quand même vu Michael Jackson !
Une fois de plus, vous avez fait un album très surprenant. Avant d'entrer en studio, aviez-vous une idée précise de la façon dont il sonnerait ?
B.B : Non. Nos chansons démarrent avec un riff de guitare et se transforment en quelque chose de complètemetn différent. Ce qui fait partie des bonnes choses quand tu es dans un groupe. On n'avait aucune idée du résultat. C'est comme le jeu dy téléphone arabe quand tu répands une rumeur, ça devient complètement différent de ce que c'était au début. C'est cool.
On ne sait jamais à quoi s'attendre à a la sortie d'un nouvel album...
DJ : Cool ! (il applaudit) Yeah! Ca veut dire qu'on peut faire tout ce qu'on veut ! On peut faire des fous (rires) ! Non, sérieusement, on n'a pas de plan, rien n'est prévu à l'avance. Et le fait est que ça change tout le temps. On écrit des chansons, on est très ouverts et ça peut partir dans n'importe quel sens.
B.B : Les premières chansons qu'on a commencées à écrire pour cet album faisait un peu surf music. C'était cool, mais finalement, on est parti dans une direction différente. Je déteste pouvoir penser qu'on pourrait n'être autorisés à ne jouer que dans un seule registre dans ce groupe ; ce n'est heureusement pas le cas. On s'autorise à faire ce qu'on veut, à prendre des risques. Chacun respecte ces goûts, les envies et le talent de l'autre. Parfois, on se reproche des trucs bien sûr, on travaille dur sur les chansons pour qu'elles ne se ressemblent pas. Mais on se donne toutes les libertés.
"Morning View" est le nom de la rue où vous avez enregistré l'album. On dirait que cet endroit est important pour vous...
J.P : Non, pas du tout ! Je plaisante (rires).
B.B : Faire des chansons, c'est un peu comme faire des enfants. L'environnement dans lequel tu éleves tes enfants aura un gros effet sur eux, sur ce qu'il vont devenir. Et ce disque est plus "chaud", plus organique. C'était une merveilleuse expérience d'enregistrer cet album dans cet endroit qui restera toujours en nous. Imagine que faire un album soit une expérience horrible, il sera plus négatif, et si cet album marche, tu te souviendras combien c'était dur de le faire. Si "Morning View" ne marche pas, évidemment ça nous fer chier mais on pourra se dire : " Mince on s'est tellement amusés à le faire! Hé tu te souviens quand on a foutu des trucs dans ton cul?" (rires) Euh, désolé.
C'est donc dans un esprit créatif et positif que vous avez donné vie à "Morning View"...
J.P : Oh oui ! Très bon, très motivé. On était très heureux d'écrire et d'enregistrer de la musique dans un endroit génial. Et puis, mentalement, on n'était pas sur la route ; notre seule préoccupation était de créer des rucs nouveaux, c'est génial. Toutes les meilleurs conditions étaient réunies pour que tout se passe bien. On attend avec impatience le mois prochain pour pouvoir faire découvrir notre musique.
DJ : Tu as cette grande piscine avec le premier plongeoir, le deuxième plus haut, et tu as parfois un plongeoir de dix mètres ou de quinze mètres de hauteur. Nous, on n'est pas encore sur le plus haut mais on peut déjà s'amuser pas mal.
B.B : On peut faire quelques flips avant d'arriver dans l'eau.
DJ : On peut s'éclabousser pas mal (rires)!
Qu'est ce qui rend "Morning View" si spécial à vos yeux ?
DJ : Il se différencie pour nous par les souvenirs qui nous viennent en tête quand on l'écoute. On s'est qu'on va psser un bon moment en l'écoutant, notre amitié n'a jamais été aussi solide, on a beaucoup ri et on s'est éclaté à le faire, quand on l'écoute, il nous rappelle plein de choses.
J.P : Parfois, je regarde les photos et les vidéos qu'on a faites pendant l'enregistrement et il m'arrive d'avoir les larmes aux yeux, c'est drôle mais ça me manque énormément.
En écoutant cet album, on a l'impression qu'Incubus est une vraie entité au sein de laquelle chacun participe activement à la création de la musique...
B.B : C'est ce qu'on ressent et c'est étonnant que tu le ressentes aussi. On continue à changer, à évoluer, à grandir et on fait quelque chose qui devient de plus en plus solide. On est heureux d'être en perpétuelle évolution. On a, chacun d'entre nous, notre façon de faire, nos talents personnels, mais ensemble, comme une entité, on développe quelque chose qui nous fait franchir des étapes à chaque album. C'est dingue que tu aies vu ça aussi...merci.
Mince, ce que je vais dire risque encore de vous faire plaisir...
DJ : (rires) Vas-y.
A chaque album, vous vous construisez une identité plus solide. Aujourd'hui, Incubus est reconnaissable et on ne le compare plus à d'autres groupes comme on a pu le faire par le passé...
B.B : Merci. C'est très important et c'est un très grand compliment. On et conscients de nos influences, et il y a un moment où un groupe apprend à s'écarter de ça et faire son propre son. Si ce n'est pas le cas, ça ne dure pas longtemps. Quand tu es passionné, ça se ressent et même en gardant tes influences, tu te forges une vraue personnalité. Je trouve que c'est insultant de plagier un groupe. On a notre façon de faire de la musique et on va continuer comme ça.
Quand j'ai écouté "Morning View" la première fois, je ne savais pas vraiment si je l'aimais ou pas, il m'a fallu quatre-cinq écoutes pour réaliser qu'il était vraiment bien...
B.B : En fait c'est une bonne chose que tu dises ça, c'est très positif. Si tu aimes quelque chose dès que tu l'écoutes pour la premières fois, tu en auras vite marre. Mes albums préférés sont ceux que je n'ai pas forcément aimés la première fois, ça arrive souvent. Tu n'aimes pas focément un skeud, puis tu le réécoutes en faisant autre chose ou en conduisant, tu te surprends à te dire : "Mon Dieu, j'adore cette chanson!" et tu réalises que c'est génial. Je pense que tu sais ce que je veux dire. Mais je me trompe peut être en pensant savoir que c'est c'est ce qui t'es arrivé à toi (rires). C'est vraiment difficile de toute façon de juger un album à la première écoute, même quand c'est celui de ton groupe.
J.P : Il y a différents degrés comme un film, plusieurs couches qui se dévoilent au fil des écoutes.
B.B : C'est un peu comme quand tu rencontres quelqu'un. Imagines, tu n'as jamais vu cette personne et tu passes une heure avec elle, tu ne peux pas porter de jugement, tu ne peux pas prétendre la connaître. Bon si tu ne l'aimes pas c'est autre chose, il y a des CD que tu as envi de brûler quand tu les a écoutés. En tant que grand fan de musique, je pense l'écouter de la même façon que les gens qui écouteront "Morning View". Il y a des chansons qui me bouleversent, des chansons dont je tombe amoureux. Je te les ferais écouter et tu m'appeleras pour me dire ce que tu en penses (rires).
Vous avez ajouté pas mal d'instruments étonnants sur certains titres de "Morning View"...
B.B : Un "kaku", c'est une guitare chinoise sur la dernière chanson, des violoncelles, des violons de la flute, des grenouilles...
J.P : On n'a pas vraiment eu l'occasion s'essayer tout ça par le passé et cet album était l'opportunité parfaite pour nous d'aller dans des directions différentes, d'introduire des choses nouvelles, donner d'autres ambiances à notre musique. Ca nous a donné une autre dimension qu'on n'a jamais vraiment explorée avant et c'est assez rafraîchissant pour nous, je pense.
Comment aimeriez-vous que les gens se sentent en écoutant "Morning View" ?
B.B : Surpris (rires).
J.P : C'est difficil à dire. Tu peux écouter une chanson et te sentir triste et mélancolique. Une autre peut te rendre heureux. Je pense que les choses que tu peux ressentir dépendent des chansons. Il y a plein de sentiments différents sur cet albums.
B.B : J'aimerais que les gens se pissent dessus sans faire gaffe. Qu'ils se disent (il regarde son pantalon) : "Oh mon Dieu! Je viens de me pisser dessus ! (rires) Je veux que les gends perdent le contrôle de toutes leurs fonctions corporelles ! (il simule un pet avec sa bouche) (rires) Qu'il chient sans s'en rendre compte. Qu'ils soient surpris ! Surprise...Proouutt !
Monsieur Bryan vient nous siganler qu'il ne nous reste plus que cinq minutes, nous en obtiendrons dix, gnarf, gnarf !
J'imagine d'ici les concerts !
B.B : Ouai (rires), tout ces gaz ! La queue aux toilettes va être impressionnante. Euh...Tu n'as pas l'air d'être amusée, tu fais une drôle de tête !
Non, c'est juste que je flippe, je n'ai plus que cinq minutes, ça va être chaud pour un sujet de couverture...
B.B : Tu pourras inventer des trucs sur nous.
J.P : Qu'on a couvert les murs de merde (rires)!
Quelles sont pour vous les meilleures conditions pour écouter "Morning View" ?
J.P : Avant de dormir, dans le noir afin que ton esprit se laisse aller à différentes visions.
DJ : Je pense que c'est bien de l'écouter dans un avion, en plein vol. Ca me détendrait, il me semble, et je n'aurais peur de rien. Ou en voiture bien sûr.
B.B : Oui, dans ma voiture en plein après-midi. Je peux accélérer sur les chansons rapides et ralentir sur les morceaux plus doux (rires)!
Incubus ne s'est jamais vraiment préoccuper des modes et des hypes. Qu'avez-vous ressenti quand vous avez commencé à très bien marcher aux Etats-Unis et est-ce que vous êtes d'autant plus anxieux à la veille de la sortie de "Morning View" ?
B.B : Non, pas vraiment. Evidemment, c'est génial ce qui nous arrive, parler aux gens de notre musique est super et ce serait génial s'ils aiment. Bien sûr, quand tu as une certaine renommée, il y a plus de gens qui peuvent te descendre. Je pense qu'on s'attend plutôt à ce que les gens n'aiment pas le nouvel album. C'est comme ça que je fonctionne parce que j'aime cet album, on est restés vrais, fidèles à nous mêmes en l'écrivant. On a fait cet album et on ne pouvait pas dire l'avoir fini tant que tout le monde dans le groupe n'était pas satisfait et fier. C'est le plus important. Et je suis serieux quand je dis que je m'attends à me faire descendre mais bien sûr, ce serait génial que le plus grand nombre l'aiment et l'achètent. Après, les critiques font ce qu'ils veulent. Je sais qu'on a déjà eu des échos très positifs au Australie et au Japon, et je n'en reviens toujours pas.
Je pense qu'en France aussi...
B.B : Oh oui! Ce serait génial. Je vois d'ici ta chronique, "Je l'ai écouté, mais je ne sais pas si je l'aime !" (rires)
J'ai honnêtement dû écouter "Morning View" plusieurs fois avant d'écrire ma chronique comme je te l'ai dit tout à l'heure. Je ne voulais pas l'écrire à la première écoute et me rendre compte que je m'étais plantée.
B.B : Exactement!
DJ : Dis aux gens qu'ils faut l'écouter au moins cinq fois avant de le juger.
B.B : Ouai, il faut que tu l'apprivoises, que tu le connaisses, que tu te l'appropries avant d'écrire et c'est cool ce que tu as fait, j'en suis sûr.
Le gars d'Epic revient ; une dernière question...
J'imagine que la composition de vos chansons devient de plus en plus facile avec les années, vous devez être plus sûrs de vous, non ?
B.B : Oh oui! On sait mieux comment bosser tous ensemble et anticiper plus ou moins nos réactions. On est plus efficaces. On a plus confiance en nos compétences personnelles. Je chante sûrement mieux parce que j'ai plus confiance en moi aujourd'hui qu'avant. Mais avoir confiance en soi, ce n'est pas trouver la bonne formule et la refaire, la recycler sans cesse. C'est comme les informations nerveuses que le cerveau transmet à tes muscles qui font que ta main trouve ta poche automatiquement par exemple.
J.P : Tu penses moins, tu essayes plus.
B.B : Mais on est en constante évolution, dans le son ou dans les chansons, c'est ce qui fait que c'est toujours aussi génial de créer.
Mais c'est déjà génial d'avoir déjà fait quatre albums et quelques EPs à seulement 25 ans...
B.B : Oh oui, on a encore le temps d'évoluer. Je nous considère encore comme des gosses qui essaient de donner un sens à leur vie et à ce monde avec la musique comme moyen d'expression et d'évolution personnelle. Ce serait vraiment intéressant de savoir comment on va sonner quand on aura vingt-huit ans.
DJ : Hey, j'ai 28 ans et je sonne bien (rires)!
B.B : Et tu es très mignon !
Qu'est-ce que vous diriez à vos fans pour leur donner envie de se procurer "Morning View" ?
B.B : Je dirais : "Allez acheter l'album parce qu'à chaque fois que vous le faites, vous gagnez une voiture !"
DJ : Qu'il faut l'écouter cinq fois avant d'avoir la révélation. Et de faire attention de ne pas oublier leur masque à gaz.
B.B : Si vous aimez vous allonger nu sur de grand matelas constitué d'oeufs frais, achetez l'album !
J.P : Si vous aimez vous faire cuire...
B.B : Ouai (rires)!