@rticle Incubus - Le changement dans la contiguïté
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Le changement dans la contiguïté

Retour des Californiens d'Incubus qui avec "S.C.I.E.N.C.E" avaient, l'an passé et sur l'intermission de leur "label mates" de Korn conséquemment secoué le cocotier neo-metal. Mais avec "Make Yourself", le nouveau disque qui porte bien son nom, l'humeur est au changement et à la définition d'un son plus personnel. Mike, guitare et Brandon, chant, s'en expliquent.

Il court déjà sur les groupes de la Côte Ouest une espèce de légende. Sans doute d'abord, à cause de la franche camaderie qui semble régner dans le milieu (et qui est réellement le cas pour la plupart, notamment entre Incubus et Korn). Mais aussi à cause de l'inaccessibilité supposée de tous ces groupes. Ce qui est notoire dans le cas de Korn mais en revenche pas du tout celui d'Incubus. D'ici, c'est vrai qu'on les imagine volontiers vivant dans une espèce de cercle fermé, sorte d'équivalent rock'n'roll aux fêtes données sur les hauteurs hollywoodiennes par les milieux du cinéma. C'est pourtant une idée reçue, si la plupart de ces groupes neo-metal vivent certes à Los Angeles, plus précisément à Santa Monica, force est de constater que la plupart mène une vie "normale". Ils vont au supermarché, festoient en compagnie de leurs potes de lycée, qui continuent eux à répéter dans leur garage et à faire de la musique du dimanche. Du coup, quand Incubus est appelé à partir en promotion à travers la monde, c'est toujours non sans joie et reconnaissance infinie envers un public qu'ils s'estiment si vernis d'avoir trouvé. Mike, gratteux du groupe, téléphone le soir même de son arrivée à Paris. Il revient tout juste, avec Brandon, d'Angleterre et s'apprête à se rendre au concert des Chemical Brother au Zénith ; avant de repartir pour la promo allemande, le lendemain matin. C'est ainsi que nous les retrouvons quelques heures avant leur départ pour Cologne, fatigués mais heureux. Brandon, le dreadlocké qu'il n'est d'ailleurs plus, profite de sa nouvelle coupe pour se gratter le crâne tout en nous racontant la nuit affreuse qu'il a passer dans un vieil hôtel (hanté) parisien. Ici, les lumières ne s'éteignent pas toutes seules (et pour cause, Patrick Fiori se tient dans le bureau d'à côté...), la clim' est poussée à fond tout comme l'ambition de nos deux lascars, venus parler de "Make Yourself", leur dernier opus. Il ne faut pas longtemps pour comprendre que la galette précieuse est le témoignage de leurs nouvelles aspirations musicales. Entre intégrité et raison de vivre.



Mike : J'ai réalisé un effort conscient considérable pour ne pas faire ce que j'avais l'habitude de faire. Quand tu arrives sur un nouveau territoire, c'est tellement effrayant, tu ne sais plus ce qui est bien ou non mais c'est un challenge. C'était un défit de nous réinventer comme nous l'avons fait, ne serait-ce que parce que tu deviens encore plus exigeant pour ton deuxième album. Chacun avait des idées encore plus précises mais nous sommes un groupes, il fallait donc les partager et ce n'était pas si évident.
Brandon : Là tu te rends compte qu'un groupe, c'est vraiment un boulot d'acceptation, de collaboration et de travail sur la démocratie en somme...Beaucoup de groupes ont pris ce tournant heavy/funk. Nous ne voulions pas leur ressembler. Il fallait que le projet d'Incubus reste intéressant, pour cela, il fallait que nus nous réinventions.


Maintenant que le boulot est terminé, quel est votre avis objectif sur le produit final ?
B : Je suis fier comme jamais je ne l'ai été.
M : Moi aussi. Nous sommes arrivés à ce que nous voulions : faire de la bonne musique basée à la fois sur une plate-forme que nous avions déjà musicalement établie mais qui surpasse aujourd'hui ces bases là.


Quels sont les changements techniques dont vous êtes le plus fiers ?
M : La voix a été mise en avant ainsi que les paroles. C'est tellement important de comprendre ce qu'on écoute. Je l'ai dit des millions de fois mais Brandon a une voix extraordinaire et a des choses intelligentes à faire passer. Ca aurait été dommage de passer à côté de ça.
B : En général, nous voulions vraiment que ces chansons soient capables d'êtres jouées avec n'importe quel instrument, comme ça, dans un salon.
M : Le producteur de cet album est d'ailleurs celui qui a produit le "Unplugged" de Nirvana...et c'était vraiment ce son là que nous voulions. Tu sais, c'est vraiment frustrant quand, dans une soirée, un gars te demande de jouer une chanson d'Incubus ! Parce que seul, ça ne peut rien rendre. Maintenant, nous pourrons, puisque nous nous sommes plus concentrés sur la substance d'une chanson que sur sa densité. C'est cet élément essentiel qui permet d'être retranscrit à toutes les sauces, acoustiques ou non, dont nous sommes le plus fiers.
B : En bref, il fallait que ce soit un album tout sauf à la mode.


Avez-vous pensé à vos fans qui vont quand même être sacrément surpris du changement ?
B : Bien sûr...
M : Tu vois, c'est comme cette chanson sur l'album, "I Miss You", plutôt soft et romantique. J'avais écrit les quelques ligne de guitares quand Brandon est arrivé avec ses paroles. Il était gêné et m'a dit : "Tu ne crois pas que c'est un peu nunuche ?" (rires) et ben non ! Moi c'est une chanson qui me fait presque pleurer, ça me touche. C'est le genre de titre qui va surprendre. Combien de hardcoreux seront choqués ? On s'en fout. D'autres l'aimeront et cette chanson fait aussi parti de nous. Elle représente une autre facette d'Incubus et c'est tout.
B : Quand à nos fans...tant mieux si nous les déroutons un peu. La pire chose qui puisse arriver à un groupe c'est d'être prévisible justement. Notre public écoute aussi Korn et Deftones, et notre musique ne sera probablement plus du tout logique pour eux. Et c'est tant mieux en un sens...


Vous êtes apparus avec cette espèce de scène/gang de la Côte Ouest. Vous dégagiez tous cette forte impression de famille, de clan. Aujourd'hui que ce soient Far, vous-mêmes, Korn et bien d'autres encore, vous avez pris des chemins musicaux vraiment différents. D'autant plus que quand on écoute votre dernier album ou celui de Korn...D'ailleurs, l'avez-vous écouté ?

M : Oui...Je le trouve génial. Tellement différent. Très "arty" (sourire). Ce que j'aime le plus c'est qu'il y a cette touche "Korn" reconnaissable entre mille et qu'avec ce disque ils brouillent les pistes ! Tous ces groupes qui ont germé ces derniers temps, mini clones de Korn ne vont pas être dans le merde maintenant ! C'est la première chose à laquelle nous avons pensé en l'écoutant avec Brandon...
B : Ouai...
M : ...Qu'un paquet de groupes allait vraiment être mal. Joli coup, les gars...


Avec l'annulation de leur tournée et leur attitude en général, ils ont déçu beaucoup de fans français...
M : Honnêtement ce sont des amis, je trouve ces types géniaux. Dans leur tête, ils n'ont pas bougé d'un pouce depuis leur succès. Ce qui n'est pas le cas des gens qui les entourent...Je crois qu'ils sont simplement plus méfiants. Jonathan est l'un des garçons les plus gentils que je connaisse.
B : Pour en revenir à l'idée de famille que tu évoquais avant par rapport à la scène californienne, je trouve formidable que chacun suive une direction différente. Korn a inventé une formule musicale que tellement de groupes se sont appropriés. C'est très sain de constater que le noyau de départ : nous-mêmes, Far, Deftones et Korn a implosé. Chacun s'est ainsi mieux trouvé.


Quels sont vos projets immédiats ?
B : Rentrer à Los Angeles et fêter Halloween avec ma copine (rires) !
M : Moi aussi...Je vais d'ailleurs me déguiser en Brad Pitt comme ça, j'aurais peut être l'occasion de rencontrer Jennifer Aniston (rires) ! Sinon, nous allons entamer une tournée avec Primus avec lesquels nous jouerons d'ailleurs à San Francisco le trente-et-un décembre prochain.
B : Une année 2000 qui commence bien...



Jade Petit
Rock Sound Hors-série N° 2 (1999)

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